OEUVRES RETENUES : "Je trahirai demain" de Marianne Cohn et "Né en 17 à Leidenstadt" de Jean-Jacques Goldman.
"JE TRAHIRAI DEMAIN" Marianne Cohn, 1943 | ||||||
Je trahirai demain
Je trahirai demain pas aujourd’hui. Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles, Je ne trahirai pas. Vous ne savez pas le bout de mon courage. Moi je sais. Vous êtes cinq mains dures avec des bagues. Vous avez aux pieds des chaussures Avec des clous. Je trahirai demain, pas aujourd’hui, Demain. Il me faut la nuit pour me résoudre, Il ne faut pas moins d’une nuit Pour renier, pour abjurer, pour trahir. Pour renier mes amis, Pour abjurer le pain et le vin, Pour trahir la vie, Pour mourir. Je trahirai demain, pas aujourd’hui. La lime est sous le carreau, La lime n’est pas pour le barreau, La lime n’est pas pour le bourreau, La lime est pour mon poignet. Aujourd’hui je n’ai rien à dire, Je trahirai demain. Marianne Cohn, 1943
Présentation
Le poème: "Je trahirai demain" fait partie de ces textes littéraires ayant une tonalité tragique et héroïque. Etant incarcérée à Nice et relâchée trois mois plus tard, c’est pendant cette première détention, en 1943, que Marianne Cohn a rédigé son célèbre poème. Cette œuvre fait partie de ces poèmes à forme variable appelés les vers libres. A cette époque, cette structure revendique la liberté. Ce poème traite de la prison et de la torture endurée par cette jeune femme, ainsi que de la perturbation psychologique qu’elle doit subir, et qui la pousse parfois à bout. Il exprime aussi le suicide pour la Résistance, la trahison et la douleur.
Lecture analytique Ce poème est un témoignage fort de l’engagement de son auteur, composé de vers libres, de strophes inégales. Il est sans rimes et ponctué. L’auteur utilise des phrases simples et courtes, avec un rythme aidé par les répétitions et les jeux d’opposition. Marianne Cohn s’inscrit dans son œuvre par l’intermédiaire du vers "je trahirai demain" repris au rythme de ses pensées ; ce vers ponctue chaque partie. On remarque une inversion de ce vers à la fin du texte, où l’adverbe "aujourd’hui" placé avant, démontre le fait qu’aujourd’hui elle n’a rien dit, qu’elle a résisté face à la torture. L’opposition des mots "aujourd’hui" et "demain" fonctionne comme une sorte de rejet. L’emploi du pronom "je" s’oppose à l’anaphore de "vous", désignant la Gestapo qui torture Marianne de façon horrible : "arrachez-moi les ongles", "cinq mains dures avec des bagues", "des chaussures avec des clous". Ces tortionnaires sont désignés par des métonymies, cela les déshumanise. Les vers 11 et 17 expriment la souffrance, l’isolement mais aussi le courage qui témoignent d’une situation bien précise. Marianne Cohn se pose donc deux hypothèses : il lui suffirait d’une seule nuit de réflexion pour choisir entre trahir ses amis ou trahir la vie. Nous nous rendons compte de cela grâce à l’anaphore du mot "pour" qui désigne le but. De plus les allitérations en [r] ont une résonnance dure qui exprime la mort. L’auteur fait ensuite une répétition du mot "lime" en jouant avec des formes affirmatives et négatives. Marianne Cohn utilise une figure de substitution sur le mot "poignet" pour faire référence à son envie de suicide : la lime n’est pas pour s’enfuir ni pour tuer les nazis, mais bien pour son propre poignet. Conclusion On ne saura jamais dans quelles circonstances exactes a été écrit ce poème, mais il est devenu emblématique des juifs, victimes de la Gestapo, et même de toutes les victimes de la torture. Il aurait été rendu à un responsable du MJS par l’un des enfants arrêté avec Marianne Cohn en novembre 1943. De la souffrance est ressentie dans tout le texte d’autant plus que l’on sait que Marianne Cohn a justement été torturée par la Gestapo. Grâce à ce poème on imagine l’angoisse d’être torturé, exprimé avec discrétion afin d’atténuer la violence. "Aujourd’hui je n’ai rien à dire" : ce seul vers exprime, déjà, la torture. Ce poème a été conçu comme une sorte de remède permettant d’atténuer ses angoisses. C’est une œuvre poignante car la situation exprimée a été réellement vécue par l’auteur. |
"NE EN 17 A LEIDENSTADT" Jean-Jacques Goldman, 1990 | |||||||||||
Contexte historique
Pendant l’année 1990, Jean-Jacques Goldman enregistre son album Fredericks Goldman Jones, qui est le premier album créé par le trio Jean-Jacques Goldman/Carole Fredericks/Michael Jones. Le titre de l’album fut aussi le nom du trio. Interrogé à ce sujet, Jean-Jacques Goldman expliqua que l’ordre des trois personnalités dans le nom du groupe, est simplement dans l’ordre alphabétique. C’est la deuxième plus grosse vente de Jean-Jacques Goldman : il réussit à vendre plus de deux millions d’exemplaires. La chanson sur laquelle nous nous intéressons porte sur trois évènements de l’histoire. Tout d’abord la Seconde Guerre Mondiale (39-45) : Cette guerre, qui succède à la Première Guerre Mondiale, est marquée par le racisme, l’antisémitisme mais aussi par les camps de concentration et d’extermination, fondée sur le nazisme, causée par l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933. Michael Jones évoque la situation du conflit nord-irlandais, en s’imaginant dans les docklands de Belfast, capitale de l’Irlande du nord. Ce conflit est une période de violence et d’agitation politique qui débute dans les années 1960 : une lutte entre les peuples catholiques et protestants. Carole Fredericks parle de Johannesburg , capital de l’Afrique du Sud, où jusqu’en 1994 est établi l’Apartheid, régime de discrimination. Le but de ce régime étant de disloquer la population en groupe ethniques dans des zones géographiques déterminées (les Blancs, les Indiens, les Métis et les Noirs). Présentation Les artistes:
Le chant et sa lecture analytique: |
Conclusion
A travers sa création, l’artiste nous transmet un message. L’artiste donne force à son œuvre en s’adressant directement à son récepteur. Il s’agit donc de toucher sa sensibilité.
Il y a d’une part les artistes qui se sont engagés dans la guerre, les artistes résistants, qui représentent la réalité, tel que Marianne Cohn, qui appellent à l’engagement et à résister.
D’une autre part, il y a les artistes qui n’ont pas été acteurs de cette guerre mais qui la dénoncent en suggérant.
Tout cela a pour but d’entretenir la mémoire collective, de ne pas tomber dans l’ignorance de notre histoire. Les témoins disparaissent peu à peu et nous devons lutter contre l’oubli.