Les adolescents se couchent trop tard…
Source : INPES
24-10-2013
Avec l’entrée dans l’adolescence, les enfants rechignent à aller au lit et dans les années qui suivent, ils retardent de plus en plus le moment de leur coucher. Les deux dernières enquêtes de l’Inpes concernant les jeunes – HBSC 2010 (Health Behaviour in School-aged Children) et le Baromètre santé jeunes 2010 pointent chez eux un déficit de sommeil important : près de 30 % des 15-19 ans sont en dette de sommeil et à 15 ans, 25 % des adolescents dorment moins de sept heures par nuit. Or, ils devraient en moyenne dormir neuf heures trente pour être en forme. Comment parents et professionnels de santé peuvent-ils le leur faire comprendre ? Comment faire pour qu’ils accordent à leur sommeil l’importance qu’il mérite ?
« À l'adolescence, la durée minimum de sommeil doit se situer entre huit et neuf heures, et l'heure limite de coucher ne devrait pas dépasser 22h00. » Cette recommandation émise par Jean-Pierre Giordanella (médecin de santé publique, auteur d’un rapport sur le sommeil (pdf, 2 Mo) pour le compte du ministère de la santé en 2006), semble être bien vaine au vu des résultats des différentes enquêtes nationales sur le sommeil des jeunes. Pourtant l'enjeu est de taille. Tous les spécialistes le disent : c'est dans l'enfance et l'adolescence que se forgent les bonnes habitudes dont l'« hygiène » du sommeil. Dans la mesure où l’heure de lever est imposée par l’école pour les jeunes scolarisés, c’est l’heure de coucher qui détermine la réduction du temps de sommeil. Or s’il est vrai que la transformation physiologique des adolescents concourt à retarder l’heure d’aller au lit (au sortir de l’enfance, l’abaissement de la température corporelle qui favorise la venue du sommeil s’effectue plus tardivement), le décalage du coucher se trouve amplifié par la psychologie et les mœurs des adolescents. À l’âge de la découverte de soi et de l’exploration des limites, veiller tard fait partie des expériences rituelles. C’est même l'une des premières révoltes contre le dictat parental, celle qui veut prouver que l’on n’est plus un enfant à qui on impose l’heure d’aller au lit. Dès 13-14 ans, les ados ont ainsi besoin de s’approprier l’heure de leur coucher et les parents doivent accepter de les rendre autonomes sur ce point, quitte à vérifier ensuite qu’ils ont bien éteint la lumière... Les jeunes qui se couchent tard apprécient ce moment où ils échappent au regard parental et peuvent s’adonner à leurs occupations personnelles comme discuter avec leurs copains via leur mobile. Ces dernières années, les ados ont en effet un éventail plus étendu d’activités possibles le soir : regarder des films sur ordinateur, tchatter, envoyer des SMS, faire des jeux en ligne, écouter de la musique… Ces usages ont d'ailleurs parfois lieu à l’insu des parents. Le sommeil apparaît ainsi en compétition avec l’utilisation des divers outils électroniques et audiovisuels disponibles dans la chambre.
L’influence des TIC sur le sommeil des adolescents
Réseaux sociaux, jeux en ligne sont des pratiques chronophages et excitantes qui rognent le temps de sommeil des jeunes. L’étude HBSC 2010 (Health Behaviour in School-aged Children) publiée par l’Inpes en septembre 2012 montre que les adolescents qui utilisent un ordinateur ont un temps de sommeil plus court (8 h 06 versus 8 h 50), de même ceux disposant d’un téléphone portable équipé d’Internet (7 h 59 versus 8 h 44) ou encore ceux regardant la télévision le soir dans leur chambre (8 h 16 versus 8 h 48). Or, les sources lumineuses sont des stimulants, au même titre que le café ou le tabac. Les écrans LED diffusent une lumière bleutée qui inhibe la production de l’hormone du sommeil, la mélatonine. En seconde partie de soirée, s’attarder devant un écran ne permet donc pas de se rendre attentif aux signes du sommeil et peut conduire à garder une agitation intellectuelle incompatible avec l’endormissement. Ventousés à leur machine, les adolescents restent alors artificiellement éveillés, leur temps de sommeil se réduit, ce qui entraîne le plus souvent un réveil laborieux et une humeur massacrante le lendemain... L’Internet et le tchat posent par ailleurs une autre difficulté d’ordre psychologique : la difficulté de s’arrêter, car c’est une activité sans fin, une recherche conduisant à une autre et un message appelant une réponse. Il faut être très discipliné pour s’y arracher, ce qui est beaucoup demander à des jeunes. Ainsi, rares sont ceux qui se réveillent « frais et dispos » après une nuit écourtée et cette dette de sommeil rejaillit bien souvent sur leur caractère mais aussi leurs performances scolaires.
Une étude anglaise rendue publique par le Public Health England (PHE) (présidé par Kevin Fenton), met en garde contre la surexposition des enfants aux écrans, qu'ils prennent la forme de jeu vidéo, de télé ou d'ordinateur. Elle indique qu’au-delà de 4h/jour, les pré-adolescents pourraient souffrir de problèmes socio-affectifs, d’anxiété voire de dépression. En limitant leurs interactions sociales, les heures de visionnage réduiraient l’estime de soi chez les enfants britanniques (qui ont en moyenne une consommation d’images animées de 4h/jour). Il existe des actions qui peuvent lutter contre cette tendance à passer des heures devant un écran. A titre d’exemple, les autorités britanniques soutiennent un programme d'accompagnement en ligne sur six semaines baptisé « Change4Life », afin d’aider les familles à changer leurs habitudes.
Un déficit de sommeil important
Le Baromètre santé jeunes 2010, paru en juin 2013, indique quant à lui que la somnolence excessive dans la journée affecterait plus de 2 millions de Français. Les 15-19 ans déclarent en moyenne un temps de sommeil effectif de 7 h 37 (7 h 31 chez les garçons, 7 h 43 chez les filles), une heure moyenne de coucher à 23 h 04, un temps moyen de 29 minutes pour s’endormir, et un réveil à 7 h 10 du matin. Avec une déclaration d’un temps moyen de sommeil nécessaire de 8 h 24, c’est près de 30 % des jeunes de 15-19 ans qui apparaissent ainsi en dette de sommeil. La somnolence apparaît logiquement très spécifiquement liée à cette dernière. Ainsi, beaucoup d’adolescents somnolent dans la journée au moins une fois par semaine, certains d’entre eux avouent dormir pendant les pauses ou certains cours et il n’est plus rare que les profs réveillent un élève endormi…
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), dans notre pays, en vingt-cinq ans, le temps de sommeil aurait chuté de 50 minutes chez les adolescents. Or, c’est particulièrement dans ces tranches d’âge que le sommeil est considéré comme essentiel pour l’apprentissage, l’acquisition des connaissances, l’équilibre physique et psychologique. Par ailleurs, toujours d’après le Baromètre santé jeunes 2010, les 15-19 ans sont 9 % à déclarer avoir eu beaucoup de problèmes de sommeil au cours des huit derniers jours, 17 % sont insatisfaits de leur sommeil, 12 % se trouvent en insomnie chronique et 8 % régulièrement somnolents dans la journée. Les troubles du sommeil et l’insomnie sont donc très fréquents parmi les adolescents et constituent une vraie préoccupation de santé pour cette population.
Les innombrables conséquences de la dette de sommeil
Le manque de sommeil entraîne fatigue, irritabilité et somnolence. Il agit sur l’humeur et sur les performances scolaires (trouble de l’attention et de l’apprentissage puisque la mémorisation se fait majoritairement lors du sommeil paradoxal), mais aussi sur les défenses immunitaires. Il est susceptible de provoquer des malaises, des vertiges, des accidents de deux-roues... Il affecte aussi la santé des adolescents en limitant la production d’hormones de croissance, en réduisant l’élimination des toxines, en perturbant la glycémie au risque de favoriser le surpoids et le diabète. Il a en effet été bien démontré que dormir moins de sept heures par nuit chez l’adolescent ou six heures par nuit pour les adultes peut être associé à une augmentation du risque d’obésité, de diabète de type 2, de risque cardiovasculaire et d’accidents de la circulation. Pour ces derniers, il est connu qu’à l’âge du permis de conduire, la privation de sommeil associée au manque d’expérience de la route sont des déterminants majeurs. Enfin, le risque de dépression est supérieur chez les adolescents qui se couchent après minuit. La brochure de l’Inpes « Bien dormir, mieux vivre - Le sommeil, c'est la santé ! » fait une liste des conséquences d’un sommeil insuffisant sur le court terme (moindre capacité à percevoir l’environnement, ralentissement du temps de réaction motrice, difficulté de concentration et manque d’attention, fatigue et somnolence diurne, troubles de l’humeur, irritabilité, désorientation, troubles de la mémoire, risque accru d’accidents du travail ou de la circulation) et sur le long terme (perte d’attention, d’efficacité, de motivation, fragilité émotionnelle, humeur cafardeuse et irritabilité, risque de dépression, inflammation et diminution des défenses contre les infections, métabolisme perturbé : risque d’obésité, de diabète, hypertension artérielle, inconfort physique, douleurs, apprentissage plus difficile).
Quels messages adresser aux jeunes pour qu’ils veillent à leur sommeil ?
Comment peut-on inciter un garçon de 16 ans à se coucher à une heure raisonnable ? Les parents sont parfois désemparés, d’autant que les adolescents se plaignent rarement auprès d’eux de leur déficit de sommeil, redoutant leurs réactions/sanctions. Les jeunes tentent de rattraper ce manque de sommeil le week-end, en faisant des nuits de dix à douze heures, voire plus. Mais, même si à cet âge, le sommeil est encore souple, le rattrapage du retard de sommeil le week-end n’est possible qu’à condition de ne pas dépasser les limites et de connaître ses besoins en sommeil. Le principe des vases communiquants ne marche pas dans tous les cas et la dette de sommeil n’est pas toujours effacée. La grasse matinée du dimanche empêche d’ailleurs souvent les jeunes de s’endormir à une heure raisonnable le soir pour repartir du bon pied le lundi matin. Elle désynchronise le rythme de sommeil car idéalement, les heures de lever et de coucher devraient être régulières. Il faudrait donc que les adolescents se lèvent au plus tard à 10h00 le dimanche pour éviter le décalage horaire du lundi et qu’ils se couchent le week-end à la même heure qu’en semaine... une gageure.
La plupart des adolescents ignorent l’importance et le fonctionnement du sommeil. Pour eux, ce dernier est plutôt considéré comme une perte de temps qui empiète sur leurs activités que comme un besoin naturel indispensable à la santé. Mais, contrairement au cancer et autres aux risques à long termes, les problèmes de sommeil et de fatigue sont ressentis au présent par les adolescents et il est donc plus facile de les sensibiliser au sujet, à partir de cette expérience vécue. Dans un premier temps, on peut donc leur expliquer pourquoi il est nécessaire de bien dormir en insistant sur leurs points sensibles. Performances scolaires, crainte d’avoir un accident, de limiter sa croissance et de rester de petite taille, de devenir gros, de faire une dépression… un argument ou l’autre devrait servir pour attirer leur attention sur les risques qu’ils prennent et les inciter à dormir plus. Une fois le sommeil compris et remis à sa juste place, il devrait être possible de leur faire accepter les aménagements nécessaires. Ceci implique une heure de coucher raisonnable mais aussi quelques « astuces » pour s’endormir facilement et avoir une bonne qualité de sommeil :
bouger suffisamment pendant la journée
bannir les excitants (café, thé, vitamine C, coca, alcool, tabac, écrans, musique style hard-rock…)
pas de repas trop copieux
dîner aux alentours de 19h30 - 20h00, soit deux heures avant de se coucher, afin de ne pas digérer en position allongée
éviter les pratiques sportives « dynamisantes » avant le coucher
installer un climat propice à l’endormissement : relaxation, méditation, obscurité (sauf si lecture d’un livre papier), silence, musique douce…
On peut aussi profiter du fait qu’un adolescent est à la recherche de lui-même pour l’inciter à s’interroger, apprendre à se connaître, lui proposer d’évaluer la dose de sommeil (pdf, 126 Ko) dont il a besoin pour être en forme et repérer lui-même les pièges qui peuvent le concerner (caféine, addiction aux écrans, etc.). Une grille répertoriant (pdf, 125 ko) la durée du sommeil en périodes de classe et de vacances permettra de calculer la durée moyenne qui lui convient. Les auteurs du Baromètre santé jeunes 2010 de l’Inpes préconisent que les actions de prévention et d’éducation de santé auprès des jeunes pourraient utilement porter sur l’heure de coucher, en donnant des limites claires à ne pas dépasser. Fixer une heure de déconnexion de l’ordinateur serait donc un premier contrat à passer avec son enfant. En se montrant diplomate, on peut infléchir la tendance observée. Il s’agit de leur laisser un peu de champ et de temps libre, tout en négociant des compromis afin de préserver leur santé et leur avenir. Si les problèmes de sommeil s’avèrent importants ou trop difficiles à résoudre et que l’ado retarde l’heure du coucher par anxiété, et a du mal à s’endormir, il convient d’en chercher l’origine avec lui et le cas échéant de consulter un spécialiste.
Les ressources développées par l’Inpes
Le dossier de presse HBSC 2010 (24 p.- pdf, 513 Ko), l'article Comment vont les collégiens en France ?
L'article Baromètre santé jeunes Inpes 2010, sa synthèse Le sommeil des 15-30 ans, son chapitre « Le sommeil des 15-30 ans » du Baromètre (pdf, 651 Ko)
La brochure de l’Inpes « Bien dormir, mieux vivre - Le sommeil, c'est la santé ! »
Le dossier « Eduquer au sommeil » de la revue n° 388 de La Santé en action
L’outil « Entre-nous » de l’Inpes, destiné aux professionnels exerçant en situation d'entretien individuel de santé avec un adolescent. Il comprend une brochure (pdf, 4,4 Mo) de 90 pages avec des illustrations de démarche éducatives notamment concernant le sommeil, les idées suicidaires, les conduites dopantes, le cannabis…
Pour en savoir plus
L’Institut national du sommeil et de la vigilance. Il propose en téléchargement gratuit une collection de 10 guides pratiques pour le grand public. Il organise aussi la Journée du sommeil qui a lieu chaque année en mars. La 13e édition a eu lieu le 22 mars 2013 sous le patronage du ministère de l’éducation nationale, du ministère de la santé et du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
Réseau Morphée, consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil
Prosom, association nationale de promotion des connaissances sur le sommeil
Société française de recherche et de médecine du sommeil
Dossiers d'information de l’Inserm « Le sommeil et ses troubles »
Le DVD interactif « Le sommeil de l’enfant et de l’adolescent » à destination des familles, réalisé par le Réseau Morphée, l'Inpes, l'académie de Paris et des associations de parents
Le module interactif « Un sommeil de rêve » développé par la MGEN (Mutuelle générale de l’éducation nationale) : rôle du sommeil, son évolution avec l'âge, comment prévenir les troubles qui peuvent l'affecter ? Une fiche de conseils pratiques à télécharger pour bien dormir, un quizz pour découvrir quel est son « type de dormeur », des interviews d'experts
L’agenda pour le sommeil (INSV)
L’agenda de vigilance et de sommeil (réseau Morphée)
L’annuaire des Centres du sommeil agréés par la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS)
L’Interview du docteur Agnès Brion psychiatre et spécialiste des problèmes de sommeil des jeunes, vice-présidente de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV)
Le dossier « Troubles du sommeil » de l’Assurance maladie
Le Centre de référence des hypersomnies rares
Source : INPES
24-10-2013
Avec l’entrée dans l’adolescence, les enfants rechignent à aller au lit et dans les années qui suivent, ils retardent de plus en plus le moment de leur coucher. Les deux dernières enquêtes de l’Inpes concernant les jeunes – HBSC 2010 (Health Behaviour in School-aged Children) et le Baromètre santé jeunes 2010 pointent chez eux un déficit de sommeil important : près de 30 % des 15-19 ans sont en dette de sommeil et à 15 ans, 25 % des adolescents dorment moins de sept heures par nuit. Or, ils devraient en moyenne dormir neuf heures trente pour être en forme. Comment parents et professionnels de santé peuvent-ils le leur faire comprendre ? Comment faire pour qu’ils accordent à leur sommeil l’importance qu’il mérite ?
« À l'adolescence, la durée minimum de sommeil doit se situer entre huit et neuf heures, et l'heure limite de coucher ne devrait pas dépasser 22h00. » Cette recommandation émise par Jean-Pierre Giordanella (médecin de santé publique, auteur d’un rapport sur le sommeil (pdf, 2 Mo) pour le compte du ministère de la santé en 2006), semble être bien vaine au vu des résultats des différentes enquêtes nationales sur le sommeil des jeunes. Pourtant l'enjeu est de taille. Tous les spécialistes le disent : c'est dans l'enfance et l'adolescence que se forgent les bonnes habitudes dont l'« hygiène » du sommeil. Dans la mesure où l’heure de lever est imposée par l’école pour les jeunes scolarisés, c’est l’heure de coucher qui détermine la réduction du temps de sommeil. Or s’il est vrai que la transformation physiologique des adolescents concourt à retarder l’heure d’aller au lit (au sortir de l’enfance, l’abaissement de la température corporelle qui favorise la venue du sommeil s’effectue plus tardivement), le décalage du coucher se trouve amplifié par la psychologie et les mœurs des adolescents. À l’âge de la découverte de soi et de l’exploration des limites, veiller tard fait partie des expériences rituelles. C’est même l'une des premières révoltes contre le dictat parental, celle qui veut prouver que l’on n’est plus un enfant à qui on impose l’heure d’aller au lit. Dès 13-14 ans, les ados ont ainsi besoin de s’approprier l’heure de leur coucher et les parents doivent accepter de les rendre autonomes sur ce point, quitte à vérifier ensuite qu’ils ont bien éteint la lumière... Les jeunes qui se couchent tard apprécient ce moment où ils échappent au regard parental et peuvent s’adonner à leurs occupations personnelles comme discuter avec leurs copains via leur mobile. Ces dernières années, les ados ont en effet un éventail plus étendu d’activités possibles le soir : regarder des films sur ordinateur, tchatter, envoyer des SMS, faire des jeux en ligne, écouter de la musique… Ces usages ont d'ailleurs parfois lieu à l’insu des parents. Le sommeil apparaît ainsi en compétition avec l’utilisation des divers outils électroniques et audiovisuels disponibles dans la chambre.
L’influence des TIC sur le sommeil des adolescents
Réseaux sociaux, jeux en ligne sont des pratiques chronophages et excitantes qui rognent le temps de sommeil des jeunes. L’étude HBSC 2010 (Health Behaviour in School-aged Children) publiée par l’Inpes en septembre 2012 montre que les adolescents qui utilisent un ordinateur ont un temps de sommeil plus court (8 h 06 versus 8 h 50), de même ceux disposant d’un téléphone portable équipé d’Internet (7 h 59 versus 8 h 44) ou encore ceux regardant la télévision le soir dans leur chambre (8 h 16 versus 8 h 48). Or, les sources lumineuses sont des stimulants, au même titre que le café ou le tabac. Les écrans LED diffusent une lumière bleutée qui inhibe la production de l’hormone du sommeil, la mélatonine. En seconde partie de soirée, s’attarder devant un écran ne permet donc pas de se rendre attentif aux signes du sommeil et peut conduire à garder une agitation intellectuelle incompatible avec l’endormissement. Ventousés à leur machine, les adolescents restent alors artificiellement éveillés, leur temps de sommeil se réduit, ce qui entraîne le plus souvent un réveil laborieux et une humeur massacrante le lendemain... L’Internet et le tchat posent par ailleurs une autre difficulté d’ordre psychologique : la difficulté de s’arrêter, car c’est une activité sans fin, une recherche conduisant à une autre et un message appelant une réponse. Il faut être très discipliné pour s’y arracher, ce qui est beaucoup demander à des jeunes. Ainsi, rares sont ceux qui se réveillent « frais et dispos » après une nuit écourtée et cette dette de sommeil rejaillit bien souvent sur leur caractère mais aussi leurs performances scolaires.
Une étude anglaise rendue publique par le Public Health England (PHE) (présidé par Kevin Fenton), met en garde contre la surexposition des enfants aux écrans, qu'ils prennent la forme de jeu vidéo, de télé ou d'ordinateur. Elle indique qu’au-delà de 4h/jour, les pré-adolescents pourraient souffrir de problèmes socio-affectifs, d’anxiété voire de dépression. En limitant leurs interactions sociales, les heures de visionnage réduiraient l’estime de soi chez les enfants britanniques (qui ont en moyenne une consommation d’images animées de 4h/jour). Il existe des actions qui peuvent lutter contre cette tendance à passer des heures devant un écran. A titre d’exemple, les autorités britanniques soutiennent un programme d'accompagnement en ligne sur six semaines baptisé « Change4Life », afin d’aider les familles à changer leurs habitudes.
Un déficit de sommeil important
Le Baromètre santé jeunes 2010, paru en juin 2013, indique quant à lui que la somnolence excessive dans la journée affecterait plus de 2 millions de Français. Les 15-19 ans déclarent en moyenne un temps de sommeil effectif de 7 h 37 (7 h 31 chez les garçons, 7 h 43 chez les filles), une heure moyenne de coucher à 23 h 04, un temps moyen de 29 minutes pour s’endormir, et un réveil à 7 h 10 du matin. Avec une déclaration d’un temps moyen de sommeil nécessaire de 8 h 24, c’est près de 30 % des jeunes de 15-19 ans qui apparaissent ainsi en dette de sommeil. La somnolence apparaît logiquement très spécifiquement liée à cette dernière. Ainsi, beaucoup d’adolescents somnolent dans la journée au moins une fois par semaine, certains d’entre eux avouent dormir pendant les pauses ou certains cours et il n’est plus rare que les profs réveillent un élève endormi…
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), dans notre pays, en vingt-cinq ans, le temps de sommeil aurait chuté de 50 minutes chez les adolescents. Or, c’est particulièrement dans ces tranches d’âge que le sommeil est considéré comme essentiel pour l’apprentissage, l’acquisition des connaissances, l’équilibre physique et psychologique. Par ailleurs, toujours d’après le Baromètre santé jeunes 2010, les 15-19 ans sont 9 % à déclarer avoir eu beaucoup de problèmes de sommeil au cours des huit derniers jours, 17 % sont insatisfaits de leur sommeil, 12 % se trouvent en insomnie chronique et 8 % régulièrement somnolents dans la journée. Les troubles du sommeil et l’insomnie sont donc très fréquents parmi les adolescents et constituent une vraie préoccupation de santé pour cette population.
Les innombrables conséquences de la dette de sommeil
Le manque de sommeil entraîne fatigue, irritabilité et somnolence. Il agit sur l’humeur et sur les performances scolaires (trouble de l’attention et de l’apprentissage puisque la mémorisation se fait majoritairement lors du sommeil paradoxal), mais aussi sur les défenses immunitaires. Il est susceptible de provoquer des malaises, des vertiges, des accidents de deux-roues... Il affecte aussi la santé des adolescents en limitant la production d’hormones de croissance, en réduisant l’élimination des toxines, en perturbant la glycémie au risque de favoriser le surpoids et le diabète. Il a en effet été bien démontré que dormir moins de sept heures par nuit chez l’adolescent ou six heures par nuit pour les adultes peut être associé à une augmentation du risque d’obésité, de diabète de type 2, de risque cardiovasculaire et d’accidents de la circulation. Pour ces derniers, il est connu qu’à l’âge du permis de conduire, la privation de sommeil associée au manque d’expérience de la route sont des déterminants majeurs. Enfin, le risque de dépression est supérieur chez les adolescents qui se couchent après minuit. La brochure de l’Inpes « Bien dormir, mieux vivre - Le sommeil, c'est la santé ! » fait une liste des conséquences d’un sommeil insuffisant sur le court terme (moindre capacité à percevoir l’environnement, ralentissement du temps de réaction motrice, difficulté de concentration et manque d’attention, fatigue et somnolence diurne, troubles de l’humeur, irritabilité, désorientation, troubles de la mémoire, risque accru d’accidents du travail ou de la circulation) et sur le long terme (perte d’attention, d’efficacité, de motivation, fragilité émotionnelle, humeur cafardeuse et irritabilité, risque de dépression, inflammation et diminution des défenses contre les infections, métabolisme perturbé : risque d’obésité, de diabète, hypertension artérielle, inconfort physique, douleurs, apprentissage plus difficile).
Quels messages adresser aux jeunes pour qu’ils veillent à leur sommeil ?
Comment peut-on inciter un garçon de 16 ans à se coucher à une heure raisonnable ? Les parents sont parfois désemparés, d’autant que les adolescents se plaignent rarement auprès d’eux de leur déficit de sommeil, redoutant leurs réactions/sanctions. Les jeunes tentent de rattraper ce manque de sommeil le week-end, en faisant des nuits de dix à douze heures, voire plus. Mais, même si à cet âge, le sommeil est encore souple, le rattrapage du retard de sommeil le week-end n’est possible qu’à condition de ne pas dépasser les limites et de connaître ses besoins en sommeil. Le principe des vases communiquants ne marche pas dans tous les cas et la dette de sommeil n’est pas toujours effacée. La grasse matinée du dimanche empêche d’ailleurs souvent les jeunes de s’endormir à une heure raisonnable le soir pour repartir du bon pied le lundi matin. Elle désynchronise le rythme de sommeil car idéalement, les heures de lever et de coucher devraient être régulières. Il faudrait donc que les adolescents se lèvent au plus tard à 10h00 le dimanche pour éviter le décalage horaire du lundi et qu’ils se couchent le week-end à la même heure qu’en semaine... une gageure.
La plupart des adolescents ignorent l’importance et le fonctionnement du sommeil. Pour eux, ce dernier est plutôt considéré comme une perte de temps qui empiète sur leurs activités que comme un besoin naturel indispensable à la santé. Mais, contrairement au cancer et autres aux risques à long termes, les problèmes de sommeil et de fatigue sont ressentis au présent par les adolescents et il est donc plus facile de les sensibiliser au sujet, à partir de cette expérience vécue. Dans un premier temps, on peut donc leur expliquer pourquoi il est nécessaire de bien dormir en insistant sur leurs points sensibles. Performances scolaires, crainte d’avoir un accident, de limiter sa croissance et de rester de petite taille, de devenir gros, de faire une dépression… un argument ou l’autre devrait servir pour attirer leur attention sur les risques qu’ils prennent et les inciter à dormir plus. Une fois le sommeil compris et remis à sa juste place, il devrait être possible de leur faire accepter les aménagements nécessaires. Ceci implique une heure de coucher raisonnable mais aussi quelques « astuces » pour s’endormir facilement et avoir une bonne qualité de sommeil :
bouger suffisamment pendant la journée
bannir les excitants (café, thé, vitamine C, coca, alcool, tabac, écrans, musique style hard-rock…)
pas de repas trop copieux
dîner aux alentours de 19h30 - 20h00, soit deux heures avant de se coucher, afin de ne pas digérer en position allongée
éviter les pratiques sportives « dynamisantes » avant le coucher
installer un climat propice à l’endormissement : relaxation, méditation, obscurité (sauf si lecture d’un livre papier), silence, musique douce…
On peut aussi profiter du fait qu’un adolescent est à la recherche de lui-même pour l’inciter à s’interroger, apprendre à se connaître, lui proposer d’évaluer la dose de sommeil (pdf, 126 Ko) dont il a besoin pour être en forme et repérer lui-même les pièges qui peuvent le concerner (caféine, addiction aux écrans, etc.). Une grille répertoriant (pdf, 125 ko) la durée du sommeil en périodes de classe et de vacances permettra de calculer la durée moyenne qui lui convient. Les auteurs du Baromètre santé jeunes 2010 de l’Inpes préconisent que les actions de prévention et d’éducation de santé auprès des jeunes pourraient utilement porter sur l’heure de coucher, en donnant des limites claires à ne pas dépasser. Fixer une heure de déconnexion de l’ordinateur serait donc un premier contrat à passer avec son enfant. En se montrant diplomate, on peut infléchir la tendance observée. Il s’agit de leur laisser un peu de champ et de temps libre, tout en négociant des compromis afin de préserver leur santé et leur avenir. Si les problèmes de sommeil s’avèrent importants ou trop difficiles à résoudre et que l’ado retarde l’heure du coucher par anxiété, et a du mal à s’endormir, il convient d’en chercher l’origine avec lui et le cas échéant de consulter un spécialiste.
Les ressources développées par l’Inpes
Le dossier de presse HBSC 2010 (24 p.- pdf, 513 Ko), l'article Comment vont les collégiens en France ?
L'article Baromètre santé jeunes Inpes 2010, sa synthèse Le sommeil des 15-30 ans, son chapitre « Le sommeil des 15-30 ans » du Baromètre (pdf, 651 Ko)
La brochure de l’Inpes « Bien dormir, mieux vivre - Le sommeil, c'est la santé ! »
Le dossier « Eduquer au sommeil » de la revue n° 388 de La Santé en action
L’outil « Entre-nous » de l’Inpes, destiné aux professionnels exerçant en situation d'entretien individuel de santé avec un adolescent. Il comprend une brochure (pdf, 4,4 Mo) de 90 pages avec des illustrations de démarche éducatives notamment concernant le sommeil, les idées suicidaires, les conduites dopantes, le cannabis…
Pour en savoir plus
L’Institut national du sommeil et de la vigilance. Il propose en téléchargement gratuit une collection de 10 guides pratiques pour le grand public. Il organise aussi la Journée du sommeil qui a lieu chaque année en mars. La 13e édition a eu lieu le 22 mars 2013 sous le patronage du ministère de l’éducation nationale, du ministère de la santé et du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
Réseau Morphée, consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil
Prosom, association nationale de promotion des connaissances sur le sommeil
Société française de recherche et de médecine du sommeil
Dossiers d'information de l’Inserm « Le sommeil et ses troubles »
Le DVD interactif « Le sommeil de l’enfant et de l’adolescent » à destination des familles, réalisé par le Réseau Morphée, l'Inpes, l'académie de Paris et des associations de parents
Le module interactif « Un sommeil de rêve » développé par la MGEN (Mutuelle générale de l’éducation nationale) : rôle du sommeil, son évolution avec l'âge, comment prévenir les troubles qui peuvent l'affecter ? Une fiche de conseils pratiques à télécharger pour bien dormir, un quizz pour découvrir quel est son « type de dormeur », des interviews d'experts
L’agenda pour le sommeil (INSV)
L’agenda de vigilance et de sommeil (réseau Morphée)
L’annuaire des Centres du sommeil agréés par la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS)
L’Interview du docteur Agnès Brion psychiatre et spécialiste des problèmes de sommeil des jeunes, vice-présidente de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV)
Le dossier « Troubles du sommeil » de l’Assurance maladie
Le Centre de référence des hypersomnies rares