Paris, ses quais et ses bouquinistes. Ange, collectionneur et négociant pour tout type de vieilleries imprimées, est occupé par un numéro du Figaro Illustré datant de 1904, consacré à la Corse. Dans ses pages, il trouve le dessin original d’une jeune femme, sur un arrière-plan maritime, surmonté d’un court texte : « Djemnah, je t’imagine au pied de la tour génoise. Tant de mystère et un trésor en toi. Protège-le. 7 juillet 1918 ». Un rêve, de multiples questions et quelques recherches plus tard, il décide de se rendre sur l’Île de Beauté pour le week-end prolongé de la Pentecôte, pour lequel il est tristement désœuvré. Direction Ogliastro et la Tour d’Albo, sans réel but, sur un coup de tête. Il effectue plusieurs rencontres, recueille des éléments épars, en une déambulation qui ressemble de plus en plus à une investigation. Il apprend rapidement que Djemnah n’est pas le nom de la jolie créature dessinée, mais celui d’un navire, qui fit naufrage le 14 juillet 1918. En quelques heures, gravitent autour d‘Ange le Père Ibanès, érudit local, son ami Vincent Orsucci et la splendide Casilda, prétendument professeure d’histoire-géographie et bonne du curé. Ange s’aperçoit alors que sa présence au Cap Corse n’est pas le fait de sa seule volonté.
Avec Djemnah – Les ombres corses, Philippe Donadille signe son premier scénario. Selon l’expression consacrée, ce coup d’essai est un coup de maître. La richesse du récit ne verse jamais dans la complexité, les personnages sont parfaitement construits, les rebondissements sont au rendez-vous. La force de la trame est de convoquer une pluralité d’approches : le secret de famille, l’énigme à déchiffrer, l’introspection, l’histoire régionale rencontrant des enjeux nationaux, les difficiles relations familiales, tout cela s’entremêlant avec justesse et fluidité. De surprises en révélations, l’intrigue progresse sûrement, embarquant le lecteur dans ces allers et retours entre le passé et le présent, la chute progressive des masques et les jeux intellectuels cherchant à percer plusieurs mystères. À la manière d’un roman d’Umberto Eco, une forme littéraire populaire (ici le thriller), se nourrit et s’étoffe de nombreuses références culturelles, d’individualités tourmentées et d’un agencement chronologique subtil, le tout nimbé d’une réelle poésie, donnant vie à une œuvre dans laquelle consistance et légèreté se côtoient harmonieusement. Certes, une ode à la Corse, mais aussi bien davantage.
Cette prouesse scénaristique ne serait rien sans la force et la délicatesse du trait de Patrice Réglat-Vizzavona (Le Passage). Son graphisme précis, autorisant cependant toujours des zones de flou, reposant sur de très beaux lavis, portés par une mise en couleur à l’aquarelle, fait de chaque planche et de chaque case un bonheur pour le regard. Un itinéraire graphique se déroule en plus du parcours narratif. Les textures sont parfaitement rendues (le minéral, le végétal, l’humain), les visages sont expressifs autant que les paysages sont enchanteurs. À chaque époque son univers visuel : la gravure pour le siècle des Lumières, le noir et blanc pour les années 1910, toujours avec bonheur. Ce n’est pas un hasard si le jeune artiste, dans ses remerciements, convoque l’expertise d’Emmanuel Lepage. Virtuosité et sensibilité cohabitent de la même façon chez ces deux créateurs. Djemnah – Les ombres corses a été publié dans un silence fracassant. Il est temps de sortir tambours et trompettes pour clamer l’essentiel de cette bande dessinée.
Par F.Houriez
Avec Djemnah – Les ombres corses, Philippe Donadille signe son premier scénario. Selon l’expression consacrée, ce coup d’essai est un coup de maître. La richesse du récit ne verse jamais dans la complexité, les personnages sont parfaitement construits, les rebondissements sont au rendez-vous. La force de la trame est de convoquer une pluralité d’approches : le secret de famille, l’énigme à déchiffrer, l’introspection, l’histoire régionale rencontrant des enjeux nationaux, les difficiles relations familiales, tout cela s’entremêlant avec justesse et fluidité. De surprises en révélations, l’intrigue progresse sûrement, embarquant le lecteur dans ces allers et retours entre le passé et le présent, la chute progressive des masques et les jeux intellectuels cherchant à percer plusieurs mystères. À la manière d’un roman d’Umberto Eco, une forme littéraire populaire (ici le thriller), se nourrit et s’étoffe de nombreuses références culturelles, d’individualités tourmentées et d’un agencement chronologique subtil, le tout nimbé d’une réelle poésie, donnant vie à une œuvre dans laquelle consistance et légèreté se côtoient harmonieusement. Certes, une ode à la Corse, mais aussi bien davantage.
Cette prouesse scénaristique ne serait rien sans la force et la délicatesse du trait de Patrice Réglat-Vizzavona (Le Passage). Son graphisme précis, autorisant cependant toujours des zones de flou, reposant sur de très beaux lavis, portés par une mise en couleur à l’aquarelle, fait de chaque planche et de chaque case un bonheur pour le regard. Un itinéraire graphique se déroule en plus du parcours narratif. Les textures sont parfaitement rendues (le minéral, le végétal, l’humain), les visages sont expressifs autant que les paysages sont enchanteurs. À chaque époque son univers visuel : la gravure pour le siècle des Lumières, le noir et blanc pour les années 1910, toujours avec bonheur. Ce n’est pas un hasard si le jeune artiste, dans ses remerciements, convoque l’expertise d’Emmanuel Lepage. Virtuosité et sensibilité cohabitent de la même façon chez ces deux créateurs. Djemnah – Les ombres corses a été publié dans un silence fracassant. Il est temps de sortir tambours et trompettes pour clamer l’essentiel de cette bande dessinée.
Par F.Houriez
Djemnah - Les ombres corses
Currently 4.07/10123456
Scénario : Donadille, Philippe
Dessin : Réglat-Vizzavona, Patrice
Couleurs : Réglat-Vizzavona, Patrice
Dépôt légal : 05/2022 (Parution le 25/05/2022)
Editeur : Delcourt
ISBN : 9782413039082
Pages : 100