THEMATIQUE RETENUE : "Comment l'artiste s'engage-t-il face à la
guerre ?".
OEUVRES RETENUES : "Je trahirai demain" de Marianne Cohn et
"Né en 17 à Leidenstadt" de Jean-Jacques Goldman.
"JE TRAHIRAI DEMAIN"
Marianne Cohn, 1943
Je trahirai demain
Je trahirai demain pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,
Je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage.
Moi je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues.
Vous avez aux pieds des chaussures
Avec des clous.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui,
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre,
Il ne faut pas moins d’une nuit
Pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis,
Pour abjurer le pain et le vin,
Pour trahir la vie,
Pour mourir.
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
La lime est sous le carreau,
La lime n’est pas pour le barreau,
La lime n’est pas pour le bourreau,
La lime est pour mon poignet.
Aujourd’hui je n’ai rien à dire,
Je trahirai demain.
Marianne Cohn, 1943
Présentation
L’artiste:
Marianne Cohn, femme résistante allemande et juive, est née
le 17 septembre 1922 à Mannheim (Allemagne).
Elle accède à la résistance dès 1941 en
participant à la construction du Mouvement de Jeunesse Sioniste
(MJS). Elle sera chargée de placer des enfants juifs dans des
familles françaises ou de les faire passer clandestinement
en Suisse pour les sauver.
Elle sera arrêtée lors de l’une de ces actions.
Elle était en charge de 28 enfants lorsque, le 31 mai 1944,
près de la frontière Suisse et refusant d’abandonner,
le maire d’Annemasse, Jean Deffaugt, lui proposa de s’évader.
Elle fut emmenée au Pax d’Annemasse devenu quartier général
de la Gestapo et maison d’arrêt.
Puis dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944 des membres de la Gestapo
venus de Lyon la sortent de la prison avec d’autres résistants.
En revanche, le maire de la région réussit à
sauver les enfants.
Personne ne savait ce qu’elle était devenue après
cette nuit jusqu’à la libération d’Annemasse
le 23 août 1944, où l’on retrouvera son corps massacré.
Retrouvée dans un charnier près de Ville-la-Grande,
Marianne Cohn avait été violée et assassinée
à coups de bêche …
Le poème: "Je trahirai demain" fait partie de ces textes littéraires
ayant une tonalité tragique et héroïque.
Etant incarcérée à Nice et relâchée trois
mois plus tard, c’est pendant cette première détention,
en 1943, que Marianne Cohn a rédigé son célèbre
poème.
Cette œuvre fait partie de ces poèmes à forme variable
appelés les vers libres. A cette époque, cette structure revendique
la liberté. Ce poème traite de la prison
et de la torture endurée par cette jeune femme, ainsi que de la perturbation
psychologique qu’elle doit subir, et qui la pousse parfois à
bout. Il exprime aussi le suicide pour la Résistance, la trahison
et la douleur.
Chants des partisans. Résistance.
Vue sur la camp de concentration de Gross-Rossen, Allemagne, 1942.
Lecture analytique
Ce poème est un témoignage fort de l’engagement de son
auteur, composé de vers libres, de strophes inégales. Il est
sans rimes et ponctué. L’auteur utilise des phrases simples
et courtes, avec un rythme aidé par les répétitions
et les jeux d’opposition.
Marianne Cohn s’inscrit dans son œuvre par l’intermédiaire
du vers "je trahirai demain" repris au rythme de ses pensées
; ce vers ponctue chaque partie. On remarque une inversion de ce vers à
la fin du texte, où l’adverbe "aujourd’hui"
placé avant, démontre le fait qu’aujourd’hui elle
n’a rien dit, qu’elle a résisté face à
la torture. L’opposition des mots "aujourd’hui" et
"demain" fonctionne comme une sorte de rejet.
L’emploi du pronom "je" s’oppose à l’anaphore
de "vous", désignant la Gestapo qui torture Marianne de
façon horrible : "arrachez-moi les ongles", "cinq
mains dures avec des bagues", "des chaussures avec des clous".
Ces tortionnaires sont désignés par des métonymies,
cela les déshumanise.
Les vers 11 et 17 expriment la souffrance, l’isolement mais aussi
le courage qui témoignent d’une situation bien précise.
Marianne Cohn se pose donc deux hypothèses : il lui suffirait d’une
seule nuit de réflexion pour choisir entre trahir ses amis ou trahir
la vie. Nous nous rendons compte de cela grâce à l’anaphore
du mot "pour" qui désigne le but. De plus les allitérations
en [r] ont une résonnance dure qui exprime la mort.
L’auteur fait ensuite une répétition du mot "lime"
en jouant avec des formes affirmatives et négatives. Marianne Cohn
utilise une figure de substitution sur le mot "poignet" pour faire
référence à son envie de suicide : la lime n’est
pas pour s’enfuir ni pour tuer les nazis, mais bien pour son propre
poignet.
Conclusion
On ne saura jamais dans quelles circonstances exactes a été
écrit ce poème, mais il est devenu emblématique
des juifs, victimes de la Gestapo, et même de toutes les victimes
de la torture. Il aurait été rendu à un responsable
du MJS par l’un des enfants arrêté avec Marianne Cohn
en novembre 1943.
De la souffrance est ressentie dans tout le texte d’autant
plus que l’on sait que Marianne Cohn a justement été
torturée par la Gestapo. Grâce à ce poème on
imagine l’angoisse d’être torturé, exprimé
avec discrétion afin d’atténuer la violence.
"Aujourd’hui je n’ai rien à dire" : ce seul
vers exprime, déjà, la torture.
Ce poème a été conçu comme une sorte de remède
permettant d’atténuer ses angoisses. C’est une œuvre
poignante car la situation exprimée a été réellement
vécue par l’auteur.
"NE EN 17 A LEIDENSTADT"
Jean-Jacques Goldman, 1990
"Né en 17 à Leidenstadt "
Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d'un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j'avais été allemand ?
Bercé d'humiliation, de haine et d'ignorance
Nourri de rêves de revanche
Aurais-je été de ces improbables consciences
Larmes au milieu d'un torrent
Si j'avais grandi dans les docklands de Belfast
Soldat d'une foi, d'une caste
Aurais-je eu la force envers et contre les miens
De trahir: tendre une main
Si j'étais née blanche et riche à Johannesburg
Entre le pouvoir et la peur
Aurais-je entendu ces cris portés par le vent
Rien ne sera comme avant
On saura jamais c'qu'on a vraiment dans nos ventres
Caché derrière nos apparences
L'âme d'un brave ou d'un complice ou d'un bourreau?
Ou le pire ou plus beau ?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d'un
troupeau
S'il fallait plus que des mots ?
Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d'un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j'avais été allemand ?
Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très
longtemps
D'avoir à choisir un camp
Contexte historique
Pendant l’année 1990, Jean-Jacques Goldman enregistre son
album Fredericks Goldman Jones, qui est le premier album
créé par le trio Jean-Jacques Goldman/Carole Fredericks/Michael
Jones.
Le titre de l’album fut aussi le nom du trio. Interrogé à
ce sujet, Jean-Jacques Goldman expliqua que l’ordre des trois personnalités
dans le nom du groupe, est simplement dans l’ordre alphabétique.
C’est la deuxième plus grosse vente de Jean-Jacques Goldman
: il réussit à vendre plus de deux millions d’exemplaires.
La chanson sur laquelle nous nous intéressons porte sur trois évènements
de l’histoire.
Tout d’abord la Seconde Guerre Mondiale (39-45)
:
Cette guerre, qui succède à la Première Guerre Mondiale,
est marquée par le racisme, l’antisémitisme mais aussi
par les camps de concentration et d’extermination, fondée
sur le nazisme, causée par l’arrivée d’Hitler
au pouvoir en 1933.
Michael Jones évoque la situation du conflit nord-irlandais,
en s’imaginant dans les docklands de Belfast, capitale de l’Irlande
du nord. Ce conflit est une période de violence et d’agitation
politique qui débute dans les années 1960
: une lutte entre les peuples catholiques et protestants.
Carole Fredericks parle de Johannesburg , capital de l’Afrique du
Sud, où jusqu’en 1994 est établi
l’Apartheid, régime de discrimination. Le
but de ce régime étant de disloquer la population en groupe
ethniques dans des zones géographiques déterminées
(les Blancs, les Indiens, les Métis et les Noirs).
Présentation Les artistes:
Jean-Jacques Goldman, de père
polonais et de mère allemande, est né le 11 octobre
1951, à Paris. Il est devenu auteur, compositeur et interprète,
ainsi que producteur de variété et de pop rock. Il
a commencé sa carrière avec le groupe Red Mountain
Gospellers, puis avec The Phalanster et enfin avec Taï Phong.
Cependant, c’est sa carrière solo qui l’a le
plus révélé en tant qu’un des chanteurs
les plus populaires de sa génération, avec des succès
tels que "quand la musique est bonne" (1982) ou "je
te donne" (1985). Dans les années 1990, il a mit entre
parenthèses sa carrière solo afin de former le trio
Fredericks Goldman Jones. Il a été
par la suite compositeur de nombreuses chansons pour des artistes
connus, tels que Celine Dion ou Johnny Hallyday. Il s’est
ensuite engagé dans les Restos du Cœur, grâce
aux Enfoirés, dont il est l’un des fondateurs.
Carole Fredericks est née le 5
juin 1952, à Springfield, dans le Massachusetts. Elle commença
sa carrière en Californie, puis rejoignit la France en 1979.
Elle devint choriste pour des artistes célèbres tels
que Serge Gainsbourg ou Mylène Farmer. En 1990, elle se joint
à Jean-Jacques Goldman et Michael Jones. En 1996, elle crée
un premier album solo (Springfield) composé avec l’aide
de Jean-Jacques Goldman. En 1999, elle sort un second album (Couleurs
et parfums) accompagné par les voix de Goldman et Jones.
A la suite d’une crise cardiaque, le 7 juin 2001, à
Dakar, elle meurt et fut enterrée au cimetière de
Montmartre, à Paris.
Michael Jones est né le 28 janvier
1952, à Welshpool (Pays de Galles). Il devient chanteur et
guitariste. Depuis 1966, il joua dans deux groupes, notamment dans
Taï Phong pour remplacer Jean-Jacques Goldman qui ne souhaitait
pas partir en tournée. Etant resté amis, Goldman et
Jones commencent à travailler ensembles sur de nombreux projets.
En 1990, après avoir rencontré Carole Fredericks,
les deux amis se joignirent à elle pour le fameux trio, Fredericks
Goldman Jones.
Le chant et sa lecture analytique:
La chanson "comme toi" de 1983 était un rappel
à ses origines polonaises (par son père), tandis que "né
en 17 à Leidstadt" rappelle que sa mère est née
en Allemagne.
Les trois chanteurs ont une partie bien distincte mais qui traite du
même sujet : si nous étions nés autre part que
là où nous sommes nés, aurions-nous été
du "bon" côté ?
Goldman se demande ainsi, s’il était né en Allemagne
en 1917, aurait-il lui-même résisté à la
montée du nazisme, ou aurait-il sombré lui aussi dans
la folie ? Un allemand né en 1917, dans les ruines de la Première
Guerre Mondiale, dans l’humiliation des accords du Traité
de Versailles qui ont rabaisse l’Allemagne, arrive à l’âge
de 16 ans en 1933, l’âge de la révolte, mais surtout
l’année où Hitler est arrivé au pouvoir.
De la même façon, Michael Jones se demande s’il était
né catholique en Irlande du Nord, aurait-il rejoint les troupes
de l’IRA ou aurait-il été un pacifiste ?
Quant à Carole Fredericks, elle se demande si elle était
née blanche en Afrique du Sud, aurait-elle combattu ce régime
raciste au temps de l’Apartheid ?
Ce texte nous enseigne l’humilité et la tolérance.
L’auteur a utilisé des moyens précis afin de libérer
son message :
-Leidenstadt est une ville inexistante. Son nom est imaginé de
deux mots allemand Leiden, qui signifie souffrances et Stadt qui signifie
ville. Elle symbolise donc les souffrances de la guerre.
-Les Docklands de Belfast référencent la lutte entre les
peuples catholiques et protestants en Irlande du Nord.
-Johannesburg est la capitale de l’Afrique du Sud, désignant
ainsi l’Apartheid.
La musicalité:
La chanson est faite d’un seul thème musical, modulé
chaque fois que l’interprète change. Cela a pour effet
de voyager dans différents endroits pour finalement revenir au
point de départ. Elle commence par une introduction au piano,
puis s’ajoute un synthétiseur, la guitare, la batterie.
Les strophes chantées par Goldman sont plus portées sur
le piano, celles chantées par Jones privilégie la guitare,
et celles chantées par Fredericks est appuyée sur la batterie.
Le refrain est souligné par tous les instruments.
Il s’agit d’une chanson populaire, dite de variété.
Elle est composée de strophes. Du premier au quatrième
quatrain, on a successivement 12-8-12-7 pieds, des rimes plates en AABB
plus ou moins justes.
A la fin, il est dit "Et qu’on nous épargne à
toi et moi si possible très longtemps d’avoir à
choisir un camp !" On comprend donc qu’ils demandent
à ne jamais avoir à choisir un camp car ceci leur serait
impossible.
Conclusion
Nous avons choisi ce chant en rapport avec notre première œuvre.
Ce texte nous a fait réfléchir à la difficulté
de faire des choix, de s’engager, surtout en cas de conflit. Cela
nous fait aussi apprécier le fait que notre pays soit en paix,
pour le moment.
Ce chant nous renvoie à la situation des personnes ayant assistées
à la Seconde Guerre Mondiale, ces personnes qui ne savaient pas
ce que leur choix entrainerait comme conséquences dans le futur.
C’est pourquoi il est difficile de juger les hommes du passé.
Nous ne vivons pas dans leur contexte historique et on ne peut reprocher
à ces hommes d’avoir commis leurs actes.
Conclusion
A travers sa création, l’artiste nous transmet un message. L’artiste
donne force à son œuvre en s’adressant directement à
son récepteur. Il s’agit donc de toucher sa sensibilité.
Il y a d’une part les artistes qui se sont engagés dans la guerre,
les artistes résistants, qui représentent la réalité,
tel que Marianne Cohn, qui appellent à l’engagement et à résister.
D’une autre part, il y a les artistes qui n’ont pas été
acteurs de cette guerre mais qui la dénoncent en suggérant.
Tout cela a pour but d’entretenir la mémoire collective,
de ne pas tomber dans l’ignorance de notre histoire. Les témoins
disparaissent peu à peu et nous devons lutter contre l’oubli.
travail écrit par Sonia Istvan
et Pauline Pischedda (3èmeC).
Dimanche 30 Juin 2013
Marc Jourdan
Brèves
11/03/2016
Menu cantine de la semaine
Semaine du 18 au 22 avril 2016 Lundi:
Salade composée
Pâtes bolognaise
Fromage/fruit
Mardi:
Crudités
Poulet à la crème/Gratin de patates
Yaourt
Jeudi:
Hors d'oeuvre variés
Sauté de veau aux olives/Riz
Glace
Vendredi:
Salade d'endives
Saumon au four/galettes de légumes
Pâtisseries
Sébastien Grisoni
10/09/2012
devinette :
Dans un pays lointain, un roi voulait faire construire un escalier pour atteindre les nuages… Ses architectes lui proposèrent l’escalier de trois marches dessiné ci-dessus. Combien de cubes de pierre seraient nécessaires pour un escalier de 1000 marches ?