La pieve d’Oletta
La pieve d’Oletta se composait des paroisses de Sant’Andria et de San Cervone (ou San Cerbone), ce qui correspond aux communes actuelles d’Oletta et de Poggio d’Oletta.
Antoine- Marie Graziani dans sa réédition de la « Description de la Corse » de Giustiniani, remarquablement préfacée et annotée, constate très justement que « la bipolarisation entre Santo Andrea (Oletta) et San Cerbone (Poggio d’Oletta) est parvenue jusqu’à nous. » Un natif de la région n’aura sans doute aucun mal aujourd’hui à identifier et à localiser les « villages » de Piazzoli, Gromanaccie, Montagione, Villa, la Lecia, lo Saliceto, le Bochezampe, Paganacie, lo Monticello, Le Livacie, lo Pogio, la Costa, Grigogna, Cazalico, Breghetta cités tels quels par l’auteur, à partir de documents datés du début et de la fin du XVIème siècle.
Ces précisions ont leur importance, dans la mesure où il convient très logiquement d’inclure la population de Poggio d’Oletta dans les tragiques évènements qui vont frapper l’ensemble d’Oletta.
En février 1769, 1500 soldats français sont cantonnés à Oletta. Paoli se devait de lancer une offensive dans la Conca d’Oru afin d’empêcher la jonction du gros des troupes françaises basées à Bastia et à Saint- Florent. Selon certaines sources, l’abbé Francesco Antone Saliceti, surnommé Peverino, aurait prévu d’introduire des patriotes dans le village d’Oletta afin de prendre par surprise les troupes françaises.
Finalement Paoli décida d’une attaque sur Barbaghju, position stratégique sur la route de Teghjime. La bataille s’acheva le 15 février par un véritable massacre : 600 Corses furent tués, (Saliceti mortellement blessé décèdera le 16 février), la plus grande partie égorgée.
Auparavant, ayant eu vent du complot suite à la trahison de Pietro Boccheciampe (nous avons vu que l’on ne lésinait point sur les moyens employés), Arcambal procède à l’arrestation d’au moins une vingtaine d’hommes à Oletta.
Conformément à la volonté de Choiseul, la justice militaire est dessaisie, le Conseil de guerre jugeant, lui, les crimes des « gens de guerre » et non ceux attribués aux populations civiles.
Le 3 mars, les inculpés sont donc renvoyés par Marbeuf devant le Tribunal civil de Bastia présidé par Chardon sous les chefs d’inculpation de « conspiration » et de « complot contre le roi » ce qui permettra de les condamner lourdement, alors même, nous rappelle Jacques Grégori, « que le prétendu crime n’avait pas encore reçu un commencement d’exécution puisque le soulèvement d’Oletta n’avait pas eu lieu ».
L’instruction débutera le 11 mars 1769. Lors du procès, le tribunal présidé par Chardon sera composé de 10 membres, des magistrats et des militaires, ainsi que du procureur général, Pierre Ambroise Chambellan et d’un interprète, Matteu Cristofari.
Le jugement rendu le 17 juillet 1769 – soit plus de deux mois après Ponte Novu – frappe aussi bien les prisonniers que les contumaces. Les peines les plus lourdes concernent cinq patriotes (certaines sources en mentionnent six), qui, selon la procédure, subiront après le jugement la « question ordinaire » dite des canettes et la « question extraordinaire » dite de la corde.
L’exécution de la sentence a lieu le 25 septembre 1769. En voici un témoignage précis extrait du « Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse » (nov.- déc. 1893), et cité par Jacques Gregori dans sa « Nouvelle histoire de la Corse » :
Les condamnés devront « faire amende honorable devant la principale porte de l’église-cathédrale de Bastia, ainsi que devant la porte de la principale église d’Oletta, à y être conduits et menés nus, en chemise, tenant en leurs mains une torche de cire ardente du poids de deux livres, et là, à genoux, à dire et déclarer à haute et intelligible voix que méchamment et proditoirement ils avaient conspiré contre l’Etat et les sujets du Roy dont ils se repentaient en demandant pardon à Dieu, au Roy et à la Justice ; ce fait, être menés et conduits à la principale place d’Oletta et sur un échafaud dressé à cet effet, avoir les bras, jambes, cuisses et reins rompus vifs par l’exécuteur de la Haute Justice, ensuite être mis sur une roue la face tournée vers le ciel pour y demeurer tant et si longtemps il plaira à Dieu leur conserver la vie, et leur corps morts être exposés ensuite sur une roue dans le grand chemin qui conduit de Bastia à Oletta, leurs biens, meubles et immeubles en quelque lieu qu’ils soient situés acquis et confisqués au Roy et, avant l’exécution, appliqués à la question ordinaire et extraordinaire pour apprendre par leurs bouches la vérité d’aucuns faits résultant du procès et le nom de leurs complices ».